Nous pouvons avoir tendance à considérer que ce que nous mangeons nous est dû. La journée a parfois été longue, le rythme intense et notre assiette est là, devant nous, pour nous récompenser en quelque sorte.
Nous oublions trop souvent le travail qui a été fourni, nous manquons de conscience. Les aliments ne tombent pas directement du ciel dans nos assiettes.
Remettre de la conscience au moment du repas, par un temps calme avant de planter la première fourchette, un temps de respiration, de reliance avec soi et avec le vivant permet de manger mieux, de prendre mieux soin de soi.
Cette nourriture est le don de l’Univers tout entier …nous l’acceptons avec gratitude.
Lorsque je suis en retraite au Village des Pruniers, un monastère bouddhique zen vietnamien, situé aux confins du Lot-et-Garonne et de la Dordogne, c’est la phrase que toute la communauté chante religieusement avant d’entamer le repas.
Le maître mondialement connu, Thich Nhat Hahn, à l’origine de ce hameau, invite les retraitants à se relier profondément à chaque personne et chaque élément ayant oeuvré afin que ces aliments soient là, dans nos assiettes.
La terre a offert ses nutriments pour faire germer le pommier, l’eau a donné le liquide de vie, le paysan a récolté les fruits, le livreur les a amenés jusqu’à nous, la cuisinière a préparé la tarte et enfin, une part est dans votre assiette.
Notre corps, qui mérite lui aussi bienveillance et gratitude, s’apprête à fournir un gros travail pour digérer et extraire les nutriments afin de les acheminer jusqu’à nos cellules.
Aux Pruniers, comme les retraitants surnomment le Village, à l’heure du repas, on s’installe calmement, on prend le silence, on fait honneur et on mange lentement, bouchée après bouchée, en ressentant toutes les saveurs, toutes les textures. Pourquoi se presser ? La grâce et la joie sont là, dans la lenteur accordée à un repas, dans un geste d’amour pour nous-même.
La digestion accapare un tiers de notre énergie totale. Lorsque la fatigue s’empare de vous une fois votre repas terminé, c’est afin que l’énergie soit dirigée vers la digestion.
Le temps accordé à la mastication est fondamental puisque le travail des dents facilite celui du reste du tube digestif. Plus vous mâchez, moins vous mangez, moins vous subissez votre digestion.
Votre corps sait exactement ce dont vous avez besoin. Une de mes enseignantes en naturopathie disait “le corps-beau, le corps-don, le corps-sait, le corps-sage”.
En ralentissant, on ressent. En allant moins vite, on est mieux à même de répondre à nos besoins véritables.
Enfin, mettre de la pleine conscience dans sa manière de manger, c’est se reconnecter au plaisir. Qui apprécie réellement se ruer, se dépêcher ? La tentation sera là, c’est certain, d’aller vite mais c’est la tentation du siècle et ce fardeau amène au remplissage.
Inverser la vapeur et prenez cette décision : quand je suis avec mon assiette, je m’extrais de l’injonction permanente de m’empresser afin de faire plus et plus encore. Ayez pour vous de la compassion en observant comme vous faîtes éperdument de votre mieux pour répondre à ce commandement pesant. Quitter le temps d’un repas ce Faire et entrer dans l’Être.
Prenez un aliment que vous appréciez particulièrement, un quartier de pomme par exemple.
Avant de le porter à votre bouche, prenez une grande inspiration et observez, ressentez. Sa couleur, son odeur, sa forme. Les variations de chacune de ces composantes.
Laissez émerger quelques questions : ai-je faim ? Est-ce que cette faim se situe dans mon ventre ou dans mes yeux ? Quelle est la partie de moi qui souhaite manger cet aliment ? Y aurait-il derrière cette faim une émotion ? Aurais-je envie de manger ce quartier de pomme car j’ai besoin de réconfort ?
Une fois votre état intérieur sondé dans ses espaces les plus subtiles, portez le morceau de pomme à votre bouche et croquez-en un petit bout, rien qu’un petit. Ressentez. Le caractère croquant du fruit, son acidité peut-être.
Bouchée après bouchée, découvrez lentement les trésors qu’une simple pomme avait à vous offrir depuis si longtemps et que vous ne preniez pas le temps d’apprécier. Parce que manger lentement, c’est manger pleinement.
Savourez, mangez et vivez en pleine conscience, Thich Nhat Hanh et Dr Lilian Cheung
Réapprendre à manger, l’alimentation en pleine conscience, Dr Jan Chozen Bays